Relevé de forclusion et nantissement judiciaire provisoire de parts sociales (Cass. com., 16 mai 2006)

Publié le par baldix

Relevé de forclusion et nantissement judiciaire provisoire de parts sociales

Cass. com., 16 mai 2006, n° 05-12.400


La signification du nantissement des parts sociales à une société opérée par l' acte contenant les dispositions prévues par l'article 253 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ne constitue pas une publication au sens de l'article L. 621-43 du Code de commerce.

Une société C avait consenti à la société P un prêt d'un certain montant garanti par la caution personnelle et solidaire de M. L. Par bordereau de cession de créance professionnelle du 9 mars 1994, la société C avait cédé à la société E sa créance sur la société P. Par la suite, la société E avait obtenu le nantissement judiciaire provisoire des parts sociales de M. L dans la SARL L., et ce, le 20 mars 1995. Cette mesure provisoire avait été dénoncée à la SARL ainsi qu'à M. L les 20 et 24 mars 1995. M. L fut mis, ensuite, en liquidation judiciaire par un jugement du 31 octobre 1997, publié au BODACC le 12 décembre 1997. Le liquidateur ayant averti la société E par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le 10 avril 1998, la société E a déclaré sa créance le 4 juin 1998. Par ordonnance du 23 février 1999, le juge-commissaire a rejeté la demande de relevé de forclusion. La société E interjette alors appel et la cour d'appel la déboute en retenant que la forclusion lui était opposable. Un pourvoi en cassation est alors formé et selon le moyen constitue "une mesure de publicité toute formalité à laquelle la loi soumet l'opposabilité d'un acte aux tiers ; que les juges d'appel qui, ayant relevé que les significations exigées par la publicité provisoire du nantissement des parts sociales avaient été effectuées par le créancier bénéficiaire, décident néanmoins que celui-ci ne peut bénéficier des dispositions concernant les sûretés publiées, n'ont pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de leurs propres constatations et, par là-même, ont violé les articles L. 621-43 et L. 621-46 du Code de commerce, ensemble l'article 253 du décret du 31 juillet 1992".

Ainsi, l'enjeu du litige posé par-devant la Haute juridiction consistait à savoir si la signification du nantissement judiciaire provisoire des parts sociales en vertu de l'article 253 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 permettait aux créanciers de se prévaloir de l'alinéa 2 de l'article L. 641-23 du Code de commerce lequel dispose que "les créanciers titulaires d'une sûreté ayant fait l'objet d'une publication &…; sont avertis personnellement et, s'il y a lieu, à domicile élu". Ainsi, la déclaration de leurs créances nées avant le jugement d'ouverture pouvait être effectuée après que le délai de forclusion a été dépassé a été prononcée puisque selon les faits, la société E n'avait pas été avertie personnellement après la publication du jugement d'ouverture. En outre, cette affirmation est corroborée par l'alinéa 2 de l'article L. 621-46 qui précise que "la forclusion n'est pas opposable aux créanciers mentionnés dans la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 621-43, dès lors qu'ils n'ont pas été avertis personnellement".

La Juridiction suprême confirme la position des juges du fond en énonçant que "si le nantissement s'était valablement opéré dès la signification à la société exigée par l'article 253 du décret du 31 juillet 1992, cette signification ne constituait pas une publication au sens de l'article L. 621-43 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, de sorte que le créancier ne pouvait pas se prévaloir de l'inopposabilité de la forclusion".  

Aussi faudra-t-il comprendre que la seule signification exigée par l'article 253 du décret n° 92-755 du Code de commerce ne répond pas aux exigences de l'article L. 621-43 du Code de commerce. Cette assertion de la Cour de cassation peut se justifier dans l'alinéa 2 de l'article 253 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 qui précise que "en outre, s'il s'agit d'une société civile immatriculée, l'acte de nantissement est publié au registre du commerce et des sociétés". Le professeur Guinchard soulignait qu'en " matière de sociétés civiles, les modalités formelles de transcription du nantissement sont celles de l'article 1866 du Code civil" et comme il n'existe pas de textes similaires en matière de sociétés commerciales "les praticiens suggèrent généralement d'opérer comme en matière de sociétés civiles" (Guinchard S. et Moussa T., Droit et Pratique des voies d'exécution, Dalloz Action, p. 451, n° 632-11). Rappelons ici que l'article 1866 du Code civil dispose que "les parts sociales peuvent faire l'objet d'un nantissement constaté par acte authentique &…; et donnant lieu à une publicité dont la date détermine le rang des créanciers nantis".

Si en sus de la signification exigée, la société E avait procédé à cette publication, il est fort probable que la Haute juridiction eût statué en sens inverse. Autrement dit, la forclusion ne leur aurait pas été opposable au sens des articles L. 621-43 et L. 621-46 du Code de commerce dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005. Précisons enfin que le nouvel article L. 622-26 du Code de commerce permet au créancier de conserver le bénéfice de sa créance à l'encontre du débiteur après clôture et à l'encontre des tiers ayant pu garantir la dette du débiteur principal s'il résulte qu'il n'a pas déclaré sa créance dans les délais impartis et qu'il n'a pas été relevé de sa forclusion. On comprendra alors aisément que la nouvelle solution apporte beaucoup plus de souplesse au créancier.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article