Prétention - Ultra petita : déchéance des intérêts (Cass. com., 20 juin 2006)

Publié le par baldix

Défaut d'information annuelle : qui veut la déchéance des intérêts, doit le demander...
Cass. com., 20 juin 2006, n° 04-16.238, P+B+R

La caution qui invoque dans ses écritures l'absence de réception du courrier annuel d'information de la banque à une fin autre que l'obtention de la déchéance des intérêts échus, depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information, ne peut obtenir cette déchéance.

Pour obtenir la déchéance des intérêts conventionnels sur le fondement de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier, encore faut-il que la caution en ait précisément fait la demande…

Un gérant se porte caution solidaire d'une société T, sans limitation de durée et à hauteur d'un montant défini, à savoir 100 000 francs. Un conflit s'ouvre entre l'établissement dispensateur du crédit et la caution, entre-temps déchargée de la gérance. La caution est condamnée en justice au versement, solidairement avec la société U, de la somme pour laquelle elle s'était engagée comme caution, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jour de la mise en demeure.

Elle se défend d'être débitrice de ces 100 000 francs. Elle invoque, notamment, le fait qu'elle n'est pas caution des engagements de la société U. Les juges du fond, corroborés par la Cour de cassation, retiennent que les faits démontrent suffisamment que la société T n'a pas été absorbée par la société U, mais que seule la dénomination sociale de la société T a été changée en assemblée générale pour devenir la société U, les deux sociétés étant une seule et même personne morale. Dès lors, l'engagement de caution du requérant pris pour la société T est maintenu pour la société U, d'autant que le garant n'avait pas fait de la qualité de gérant une condition de son engagement.

Le garant invoque également deux autres moyens, à savoir la faute du créancier résultant du caractère brutal de la dénonciation du crédit accordé en 1997 (moyen qui n'est pas non plus reçu par la Cour de cassation) et le manquement à l'obligation annuelle d'information de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier. Il retient, sur ce dernier point, que les établissements de crédit ayant accordé à une entreprise un concours financier, au sens de l'article 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, devenu l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier, sous la condition d'un cautionnement, doivent se conformer aux prescriptions de ce texte. À défaut, ils doivent être déchus, à l'égard de la caution, de leur droit aux intérêts conventionnels, et ce, sans pouvoir prétendre y substituer des intérêts au taux légal. Or, dans ses écritures, la caution mentionne précisément le fait que, depuis 1991, il n'est plus destinataire du courrier annuel prévu par cette disposition. Dès lors, la cour d'appel de Paris ne peut valablement affirmer que la caution s'étant engagée à hauteur de 100 000 francs, c'est à bon droit que la banque lui réclame le paiement de la somme de 15 244,90 euros, avec intérêts à compter de la mise en demeure de la société U. Mais elle devait rechercher si l'établissement dispensateur du crédit avait adressé ledit courrier annuel et en tirer les conséquences.

La Cour de cassation ne retient pas, non plus, ce grief. Et sa motivation doit être soulignée : si la caution " n'invoquait dans ses écritures l'absence de réception du courrier annuel de la banque depuis 1991 que pour tenter de démontrer que son cautionnement souscrit en faveur de la société (T) ne pouvait être étendu à la société (U), et non pour obtenir la déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information ", alors, " la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a, en condamnant (la caution) au principal du cautionnement majoré des seuls intérêts moratoires au taux légal depuis la mise en demeure de la société (U), légalement justifié sa décision sans méconnaître les exigences de l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier ".

Le juge est tenu par l'objet de la demande émise par les parties. Il ne saurait statuer ultra petita et aller au-delà des prétentions qu'elles ont émises. Le garant aurait donc dû inviter expressément les juges à rechercher si la banque avait bien satisfait à son obligation d'information annuelle.

Où l'on voit, en portée, que la déchéance des intérêts n'est pas une défense au fond, c'est à dire la simple dénégation du droit à paiement des intérêts, mais une demande (reconventionnelle), c'est à dire une véritable sanction que le juge doit prononcer...

Publié dans OFFICE DU JUGE

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