Tierce opposition : quel délai de la caution pour agir en contestation d'un relevé de forclusion ? (Cass. com., 11 juill. 2006)

Publié le par baldix


Caution : quel délai pour agir en tierce opposition contre un relevé de forclusion ?
Cass. com., 11 juill. 2006, n° 05-11.508, P+B

L'ordonnance relevant le créancier de la forclusion est une décision rendue en matière de redressement et de liquidation judiciaires ; la tierce opposition contre cette ordonnance, qui ne concerne pas directement les droits et obligations de la caution, doit être formée par celle-ci dans les dix jours à compter de son prononcé.

Un établissement de crédit consent un prêt à une société, garanti par un privilège de prêteur de deniers, dont le gérant en place à la date de l'ouverture du crédit s'est porté caution solidaire. Cette société, qui fait face à de graves difficultés financières, est finalement mise en liquidation judiciaire en mars 1994. La banque, qui avait omis de déclarer dans les délais sa créance, dépose une requête en relevé de forclusion. Requête accueillie favorablement par le juge-commissaire, qui ouvre alors un nouveau délai dans lequel le créancier devra procéder à la déclaration de sa créance. Ce dernier s'exécute et poursuit en octobre de la même année l'ancien gérant en sa qualité de caution du prêt ouvert à la société en difficulté. Mais la caution conteste la validité du relevé de forclusion et forme, en août 1996, une tierce opposition incidente contre l'ordonnance l'ayant prononcé. Un contentieux s'ouvre alors quant au délai dans lequel la caution doit agir en contestation d'un relevé de forclusion.

Les juges du fond accueillent la prétention de la caution et déclarent recevable la tierce opposition. Ils se fondent, pour ce faire, sur l'article 586 du Code de procédure civile, dont l'alinéa 2 prévoit que la tierce opposition " peut être formée sans limitation de temps contre un jugement produit au cours d'une autre instance par celui auquel on l'oppose ". Or, en l'espèce, pour ces magistrats, non seulement la décision litigieuse a bien été produite dans une autre procédure, mais encore, aucune règle du droit des procédures collectives n'exclut l'application de cet article 586.

Le créancier élève le contentieux devant la Cour de cassation. Au soutien de son pourvoi, il invoque, pour sa part, l'article 156 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 (JO 29 déc. 1985), qui dispose que " l'opposition et la tierce opposition lorsqu'elles sont recevables, sont formées contre les décisions rendues en matière de redressement et de liquidation judiciaires (…), par déclaration au greffe dans le délai de dix jours à compter du prononcé de la décision". Aussi, les juges du fond ne pouvaient valablement écarter la fin de non-recevoir fondée sur l'expiration du délai pour former tierce opposition contre les décisions rendues en matière de redressement et de liquidation judiciaires du créancier.

Censure de l'arrêt d'appel. Au visa des articles 586 du Code de procédure civile et 156 du décret du 27 décembre 1985, la Cour de cassation reproche aux juges du fond d'avoir accueilli la tierce opposition, alors que " l'ordonnance relevant le créancier de la forclusion est une décision rendue en matière de redressement et de liquidation judiciaires et que la tierce opposition contre cette ordonnance, qui ne concerne pas directement les droits et obligations de la caution, doit être formée par celle-ci dans les dix jours à compter de son prononcé ".

La tierce opposition est une voie extraordinaire de recours, qui permet de faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque. Les règles qui la gouvernent siègent aux articles 582 à 592 du Nouveau code de procédure civile. L'article 586 prévoit, ainsi, dans ses deux premiers alinéas, que " la tierce opposition est ouverte à titre principal pendant trente ans à compter du jugement à moins que la loi n'en dispose autrement. Elle peut être formée sans limitation de temps contre un jugement produit au cours d'une autre instance par celui auquel on l'oppose ". Plusieurs textes dérogent, cependant, au droit commun qu'est ce délai trentenaire de l'article 586 du Nouveau code de procédure civile. Il en va ainsi, en matière de procédures collectives, de l'article 156 du décret du 27 décembre 1985. Les termes de ce texte, très larges, couvrent toutes les décisions juridictionnelles rendues dans le cadre d'une procédure collective, dont le relevé de forclusion, objet du litige, dans la mesure où l'ordonnance relevant le créancier de sa forclusion ne concerne pas directement les droits et obligations de la caution.

V. pour une décision fermant à la caution la faculté de contester une déclaration tardive de créance, Cass. com., 20 mai 1997, n° 95-12.853, Bull. civ. IV, n° 146, D. aff. 1997, p. 764, D. 1997, somm., p. 313, obs. Honorat A. : " Si, en application de l'article 103 de la loi du 25 janvier 1985, la caution (…) a la faculté, comme toute personne intéressée, à l'exclusion de celles mentionnées à l'article 102 de la même loi, de contester les décisions du juge-commissaire, et si elle peut, à l'appui de ce recours, discuter de l'existence, du montant ou de la nature de la créance en cause, peu important que le moyen invoqué ne soit pas propre à la caution, celle-ci n'est pas recevable à se prévaloir de l'extinction de la créance pour défaut de déclaration dans le délai légal après que le créancier a été irrévocablement relevé de la forclusion encourue ".

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